La dernière fois, tu me demandais si la toute première application du réseau était de chater puisque la première utilisation consistait à transmettre un texte écrit d'un ordinateur à un autre. Je t'avais répondu qu'on pouvait effectivement dire cela.
Oui, c'est vrai.
Faisons juste un petit récapitulatif avant de poursuivre. Si je prends un peu de recul avec ce que tu m'as dit, j'ai compris que l'internet et sa première concrétisation physique, l'ARPAnet, n'était qu'une tuyauterie. Mais cette tuyauterie, en soi, ne sert à rien s'il n'y a pas d'applications pour s'en servir. Après la mise en œuvre de ce réseau, sa première utilisation pratique fut de transmettre un message texte. La transmission de ce message-là est donc une application se servant de ce réseau, comme si l'on envoyait pour la première fois de l'eau dans une plomberie toute neuve. C'est bien ça ?
Bravo, je vois que tu écoutes bien et que tu comprends vite et juste !
Nous allons donc parler de l'envoi de messages texte à travers le réseau. L'application la plus emblématique est sans nul doute le courriel ou l'e-mail en anglais.
Oui, je connais bien. C'est l'un des moyens de communication parmi les plus utilisés. Je ne suis pas sûr qu'il soit nécessaire de s'y attarder parce que tout le monde l'utilise et le connais !
Penses-tu !
Au contraire, bien que tout le monde l'utilise, de moins en moins de gens le connaissent vraiment.
Faisons un peu d'histoire. Les premières formes de courriers électroniques prennent naissance en 1965, avant la création de l'ARPAnet ! À cette époque, l'idée était de transmettre un message texte à un autre utilisateur du même ordinateur. Très vite, la fonctionnalité s'étand pour transmettre un message entre différents ordinateurs en réseau, car même si ARPAnet n'existe pas encore, il y a déjà des réseaux dans les universités et certaines entreprises. Ce sont de petits réseaux, à courte distance et utilisant le même système.
Suivant immédiatement la création d'ARPAnet, des transferts de messages électroniques inter-systèmes se développent. C'est même précisément en vue de ce type d'application qu'ARPAnet a été créée : transmettre un message d'un ordinateur à un autre ordinateur très éloigné opérant des avec des systèmes différents.
Comme pour le courrier postal, le message a besoin d'une adresse pour trouver son destinataire, sauf que maintenant, nous sommes sur ARPAnet, il n'est plus possible de désigner le destinataire que par son identifiant. Il fallait maintenant désigner l'ordinateur destinataire en plus de l'identifiant du correspondant. C'est Ray Tomlinson, en 1971, qui développa le courriel sous la forme que l'on connait aujourd'hui en proposant l’utilisation du signe @ pour séparer le nom de l’utilisateur (l'identifiant de la personne) de celui de la machine (l'identifiant de l'ordinateur).
Il est dès lors possible d'envoyer un message au travers du réseau ARPAnet.
Oui, je comprends bien et tout cela semble logique. Mais tu dis qu'on ne connait pas vraiment le courriel. Pourrais-tu m'expliquer ?
Justement, j'y arrive.
Le courriel est simplement la transmission d'un message en texte brut. Pour faire simple, il ne s'agit pas de transmettre des caractères alphabétiques, mais un identifiant de chaque caractère (en ASCII ou Unicode). Cela signifie qu'il n'y a pas de représentation graphique des caractères (de police de caractère). La forme graphique est donc recréé par l'ordinateur du destinataire. L'apparence du message envoyé sera potentiellement différent chez le destinataire. C'est ce qui permet au message d'être inter-opérable.
Par exemple, un message envoyé comme ceci :
Bonjour,
Ceci est un exemple de message qui est envoyé à un destinataire. Il est en couleur violette, en italique avec une police relativement grande. Il y a aussi un passage qui est en gras.
Bonne journée.
sera peut-être affiché comme ceci chez le destinataire :
Bonjour,
Ceci est un exemple de message qui est envoyé à un destinataire. Il est en couleur violette, en italique avec une police relativement grande. Il y a aussi un passage qui est en gras.
Bonne journée.
De plus, il n'y a aucune protection dans de ce message qui est transmis “en clair” à travers le réseau, car la sécurité du contenu n'était tout simplement pas le sujet. Le seul objectif consistait à transmettre le plus efficacement possible un message intelligible d'un point A à un point B en définissant les normes et les protocoles nécessaires à cette transmission, ni plus, ni moins.
C'est la simplicité d'utilisation et de compréhension, le caractère libre avec l'utilisation de format ouvert et le fait qu'il fonctionne de manière indépendante et décentralisé qui a fait le succès de ce mode de transmission de message. C'est la raison pour laquelle il est encore aujourd'hui l'un des principaux vecteurs de messages, malgré le fait que de plus en plus de gens ignorent tout de cela. C'est comme s'il y avait une sorte de mémoire collective ou un ressenti “positif” de la population vis-à-vis de ce moyen de communication qui fait qu'il perdure et qu'il n'a pas succombé à toutes les attaques qu'il subit en permanence depuis l'accès massif de la population à l'informatique et à internet.
Cette notion de “texte brut” est vraiment très importante en informatique, car pratiquement tout ce que tu fais informatiquement parlant repose là-dessus. Peut-être que je consacrerai une page spécifiquement à ce sujet. Ce qui est sûr, c'est que cette notion reviendra régulièrement.
WAW !
Bon, d'accord. C'est vrai que je ne connaissais pas cela. Mais je ne vois pas encore très bien où tu veux en venir.
Il est vrai qu'il doit bien y avoir quelque chose qui pousse à ce que les gens continuent à utiliser cette très vieille méthode de communication puisqu'il existe depuis 1965. Cette longévité est effectivement très étonnante. En y réfléchissant, c'est vrai que je ne sais pas trop pourquoi j'ai une adresse de courriel et pourquoi je l'utilise toujours parce que je me sers d'un certain nombre d'autres moyens de communications.
Mais la question qui me brûle les lèvres maintenant, c'est que tu me dis que le message que j'envoie peut-être perçu différemment chez l'interlocuteur ! Pourtant, je reçois les messages mis en forme telle que définie par l'émetteur du message et mes interlocuteurs reçoivent mes messages avec ma mise en forme… Du coup, ce que tu me dis n'est plus valable ?
Bien au contraire, c'est toujours aussi valable !
Même si le message que tu reçois est mis en forme, comment peux-tu être sûr à 100 % que c'est exactement cette forme-là que ton interlocuteur lui avait donnée au départ ? J'y reviendrai plus tard.
Si effectivement tu fais cette constatation c'est uniquement parce que tes interlocuteurs et toi utilisez le même logiciel, paramétré pour utiliser du code HTML pour la mise en forme du contenu et, le tout, sans utiliser de mise en forme trop spécifique. Toutes ces conditions sont nécessaires pour que l'affichage du message soit relativement conforme à ce que l'émetteur souhaitait. Mais il n'y a aucune certitude.
Dans la mesure où Microsoft déteint un quasi-monopole de fait, cette concordance de perception de la mise en forme du message te semble naturel, normal et généralisé. Or, il n'en est rien. Il y a, en fait, trop de choses qui doivent être concordants chez les deux interlocuteurs pour que la mise en forme soit exactement identique entre les correspondants.
Prenons un exemple très concret. Observe les deux cadres suivants. Le premier cadre est le texte inclus dans la page en demandant de l'afficher avec une police spéciale qui s'appelle “C-64”. Le voici :
Ceci est un exemple de texte avec une police spéciale qui s'appelle "C-64"
Voici une capture d'écran de ce même texte où la police “C-64” est effectivement appliquée :
Est-ce que la police de caractère est identique entre ces deux cadres ? Il y a très peu de chances que ce soit le cas, car cette police, cette fonte de caractères n'est très probablement pas installé sur ton ordinateur. De ce fait, chez toi, une police de substitution par défaut s'appliquera au texte du premier cadre.
Ah oui, là c'est beaucoup plus concret ! Je constate que la police de caractère est effectivement différente !
C'est effectivement quelque chose que j'ignorais complètement. Mais existe-t-il un moyen de s'assurer que la mise en forme soit identique chez mon interlocuteur ?
Non, il n'y a aucun moyen de s'en assurer ! C'est la raison pour laquelle il est nécessaire de bien avoir en tête cette notion de texte brut et de le considérer en tout temps. Il faut se rendre compte que ce problème de rendu est valable pour le Web, comme tu viens de le voir avec l'exemple précédant, c'est pareil pour les courriels, car il utilise les mêmes fonctions que le Web. Note que cela est aussi valable pour les fichiers de traitement de texte (.doc
, .docx
, .odt
, etc.) ou encore avec les tableurs, les diaporamas, etc. Toute l'informatique est touchée par ce phénomène. Il n'y a que les images, les fichiers PDF et possiblement d'autres formats de fichier qui échappent partiellement ou totalement à ce mécanisme.
Bon, pour le moment il faut surtout retenir que le monde de l'informatique ne se restreint pas au petit monde de Microsoft, ni aux dogmes que souhaitent te faire croire les GAFAM. Encore une fois, l'informatique est une science dure où tout y est très concret et connaissable.
WAW !
Tu as soulevé quelque chose de très concret que j'ignorais totalement et que l'on retrouve, en fait, presque partout.
Je prends note de cela, mais il sera nécessaire d'y revenir plus tard. C'est, en effet, un élément que je dois intégrer et avoir en tête. Il faut que ce concept devienne quelque chose de naturel dans mon esprit lorsque je me sers de l'informatique.